mardi 20 avril 2010

La petite soeur


Et ben nous y voilà. Encore. Toi et moi, dans le silence; tu me regardes, je sais, mais moi j'ai toujours un peu de mal à te voir, qu'est-ce que tu veux... Je me sens toujours aussi tarte avec mes fleurs, mais c'est maman qui y tient; elle n'a jamais eu la force de venir te voir, je crois. Tu dois en rire, comme toujours, faut dire, c'est tellement crétin! T'étais sa préférée, et paf, elle ose plus t'affronter en face. Ah, les grands, ils ont toujours été un peu spéciaux, hein?
C'était ce que tu me disais souvent, j'm'en souviens. Moi je te disais juste "Attends-moi!" mais je crois que t'avais pas compris ce que je voulais vraiment dire, sauf peut être à la fin. Personne n'a jamais compris.
Enfin... Nous y voilà encore. Ça devient une habitude, mais au moins maintenant tu es toujours un peu près de moi, toujours avec moi, ça me rassure. Un jour, crois-moi, dès qu'on ne me regardera pas, je te rejoindrai. Parce que vois-tu, on me lâche plus d'une semelle, maintenant, pourtant je suis grande, presque autant que toi, mais non, j'ai l'impression d'être en laisse, et d'ailleurs pendant que je te parle y'en a un, tout blanc, qui me zieute sans s'arrêter. Mais il n'entend pas. Heureusement, sinon j'aurais droit au cagibi.
Ils seraient en colère, tous. Et toi aussi, je pense, si tu pouvais me voir, car vois-tu je n'ai pas changé après tout ce temps, je suis toujours une petite fille et j'ai pas le droit de faire ce que je veux. C'est pour mon bien, qu'ils disaient, un peu comme quand ils t'ont emmenée là, dans cet endroit bizarre et tout plein de gens qui criaient à la lune.
Si tu venais encore me voir, je serais encore à la traîne. Comme avant, comme quand tu voulais t'enfuir et que je te suivais encore et encore; tu voulais aller si vite! Tu brûlais les étapes et tu brûlais tes ailes, mais putain, je te comprend, maintenant que moi aussi j'ai envie de voir ce qu'il y a au-dehors. J'ai envie de vivre, moi aussi, mais on me surveille trop pour ça.

Dis-moi.. ça fait combien de temps que t'es là?
Dix, onze ans?
Bon dieu c'que ça passe vite.
Dix ans?
Ouais. C'est bien ça. Dix ans à venir faire la causette à une pierre tombale.
Ca en fait rigoler plus d'un, dans la famille, crois-moi.
Eux aussi n'ont pas changé. Ils ont toujours pas compris.
Nan.
Ce qu'ils sont bêtes, les grands... Ils croient avoir raison, mais s'ils savaient à quel point ils se sont trompés sur toute la ligne! J'en rigole encore.
Mais tu sais, ma sœur, je t'en veux pas, non.
Oh.. Un tout petit peu, peut être. Parce que franchement, t'aurais pu m'attendre, et pas me laisser entre leurs mains, moi qui ne voulais que te suivre et partir avec toi, sans jamais te quitter, ma sœur, ma sœur que j'aime.
Tu savais très bien que sans toi j'ai pas le courage de partir, moi aussi.
Tu t'es vengée hein?
De toutes les fois où j'étais à la traîne?
Enfin bon. T'es partie, j'y peux rien, à part attendre qu'un jour je puisse te rejoindre.
Je me souviens encore de ce jour là. T'étais jolie comme tout, en plus; t'avais mis ta robe préférée, la rouge que Maman t'avais cousue. Et je t'ai vue dans la lumière, et j'ai sourit, parce que tu étais belle comme un ange, et c'est ainsi que je me souviens de toi; ils avaient rien prévu, rien vu, jusqu'à ce que ça soit trop tard. Jusqu'à ce que tu fuies, que tu t'envoles...
Ca a fait comme un grand papillon écarlate. Tout le monde a crié, a pleuré, mais toi et moi on souriait. Tu souriais encore et le rouge de ta robe était comme le sang qui coulait, coulait doux et chaud sur mes mains d'enfant.
Ouais. On souriait, complices comme toujours, et on a bien gardé notre secret, pas vrai? Je sais où tu es allée, et je t'y rejoindrai bientôt, attends-moi cette fois!
Et, ma soeur, ma belle, mon ange, continue à sourire. Ris encore, encore, encore dans ma tête pour me consoler quand ils m'enferment!
Après tout, tu n'as pas trop le choix, un crâne, ça sourit toujours...

1 commentaire:

  1. quelle gaîté...
    c'est ce genre d'histoire qui te laisse une boule dans la gorge, un goût un peu amer et cette impression, à mesure qu'on lit, qu'on s'est empêtré d'une histoire bien sombre...
    J'aime bien ton style poétique ^^

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