mardi 27 avril 2010

Dissidences


Il fait nuit depuis longtemps, et il fait un temps de chien; la pluie et le vent balayent la ville, comme deux zélés employés de la DDE après une manifestation de producteurs de salades. Les deux compères nettoient les graffitis proclamant la révolution, prônant l'insoumission, la liberté et clamant des slogans qui me laissent rêveuse; ils dispersent les derniers passants attardés; lavent le sang sur les pavés; diluent l'encre des tracts qui volent dans les rues, s'écrasent et dérivent dans les caniveaux.
Bien décidée à détremper chaque centimètre carré, l'eau s'acharne contre l'abri de fortune que je me suis trouvé, un porche abrité coincé au fond d'une impasse obscure peuplée d'une famille de rats sur trois générations. Blottie là dans l’ombre, j’attends. Quoi ? Je ne sais plus.
Le froid est mordant, l’air imprégné d’humidité. J’ai beau être à l’abri, je suis trempée jusqu’aux os, cette maudite flotte imprégnant tous mes vêtements, de mes bottes rapiécées à l’épaisse toile de mon manteau. Même le feutre de mon chapeau se comporte comme une gouttière, déversant des trombes d’eau glacée dans mon cou.
Je frissonne et resserre ma pèlerine autour de mes épaules squelettiques. Plate comme je suis, je m'aplatis sans peine dans l'espace étroit qui est encore abrité; l'avantage d'être taillée comme une allumette..
Alors que j'envisage de quitter mon refuge, j'entends un grondement de moteur et je me colle au mur pour fondre ma maigre silhouette dans l'ombre du porche. Une espèce d'armoire à glace se profile, et la lumière blafarde d'une lampe torche balaye le fond de l'impasse, dérangeant au passage quelques rats qui poussent un chœur de couinements furieux.
Le bonhomme se désintéresse des bestioles et s'éloigne. Je pousse un soupir et me détends, bénissant les rongeurs susceptibles qui pullulent dans notre bonne ville. Mais le bonhomme en imper gris ne se contente pas de ça, et ne sembla pas décidé à lever le camp; j'entends des pas, quelques coups sourds. Un glapissement de douleur et d'effroi perce la nuit, et on entend des portes claquer. Le silence retombe, et le grondement du moteur se fait entendre, s'éloigne, jusqu'à devenir à peine audible; je n'ai pas besoin d'aller vérifier, je sais que là-bas, sur le trottoir, il y a du sang sur le sol.
Du sang bientôt dilué, lavé et emporté par la pluie qui ruisselle.
C'est à ce demander si elle n'est pas de leur côté, elle aussi. Elle efface les traces de cette violence, cette barbarie silencieuse qui salit nos trottoirs chaque nuit, et c'est encore un homme, une femme, Dissident ou non, qui a fait les frais des matraques de la Brigade. Putain de couvre-feu. Pour notre sécurité, ouais... Pour mieux nous parquer comme des gosses, plutôt. La nuit est devenu leur domaine, ils sont pire que des prédateurs, et des fois je me demande pas s'ils font ça juste par plaisir.
Un tract emporté par le vent, parsemé de taches de sang et délavé par la pluie volette devant moi avant de venir s'écraser sur le sol.
Je le ramasse et déchiffre les quelques mots qui ont été épargnés par l'eau.

ENTREZ EN DISSIDENCE!

Et c'est tout. Il y a une marque, un petit cercle en haut de la feuille; chaque Dissident a la sienne, et celle-là, c'est Bulle, j'en mettrai ma main à couper. On n'utilise pas non plus nos vrais noms, trop dangereux, et on préfère s'en inventer d'autres, on se croit plus libres si on sait qu'ils ne sont pas inscrits et tamponnés sur des papiers officiels. On est jeunes. On est un peu cons, c'est tout... Et Bulle, c'était elle, qui a crié, qu'on a emportée... Aucune chance de la revoir, elle doit cracher sa cervelle par les oreilles, à l'heure qu'il est . Pas de bol. Elle me devait du fric.
Putain de merde. Je serre les poings, et ces foutues larmes coulent encore sur mes joues. A quoi ça sert de s'abriter quand même mes yeux jouent se prennent pour un robinet ouvert?
J'ai l'habitude, pourtant; c'est pas la première fois qu'un Dissident finit par mordre le pavé. Mais là... J'entends encore sa voix, et cet air idiot qu'elle chantait tout le temps, qui tapait sur le système de Chef tellement elle était niaise. Mais maintenant, putain, qu'elle est belle, cette comptine pour gamin trop rêveur...
Au revoir, Bulle. J'espère que tu pourras t'envoler comme dans la chanson.

Mam'zelle Bulle avait un rêve un peu spécial...

Je chantonne doucement en m'éloignant sous l'averse, tandis qu'autour de moi le paysage urbain est noyé sous une grisaille d'apocalypse. A peine ai-je fait un pas sous la pluie, je suis déjà trempée jusqu'aux os, mais maintenant j'ai les idées claires, je sais quoi faire, je sais où aller. Pas très loin, en fait; ici les gens meurent par dizaines.
Sereine, toujours en fredonnant ma chanson, je sors une arme de sous mon manteau.
Il y a du monde, là-bas, à deux mètres à peine de la trace de sang qui signale à qui veut le voir l'endroit où Bulle a quitté ce monde. Je marche dedans sans faire gaffe, mais de toute façon dès demain on ne verra plus rien.
Trois types en gris semblaient occupés à s'acharner sur une pauvre fille à terre, méconnaissable, le visage couvert d'un masque rouge et ruisselant, que même l'eau qui ruisselle ne parvient pas à laver.
Je souris en chantant, et je tire avant qu'ils ne réagissent. Je suis rapide paraît-il. On dirait que c'est vrai...

Pour une bulle, quitter la terre c'est peu banal...

Une détonation, une autre, et un des types s'effondre avec deux trous dans la poitrine.
Une autre, et c'est moi qui titube, mon bras gauche pendant lamentablement à mon côté. J'ai mal à en crever, mais je m'en fous, ça ne durera pas.
Je réussis à en toucher un autre à la tête avant qu'une balle mieux ajustée ne vienne se loger entre mes deux yeux.
Rideau. Je suis morte avant d'avoir touché le sol.

Quand la nuit vient à tomber
Mam’zelle Bulle sur nous veille jusqu’à c’que le soleil l’interpelle…

Je dédie ces bêtises à tous les Dissidents, et à la mémoire du forum qui nous a fait passer tant de bons moments. Keep on scribouille, même si ça fait des lustres qu'on s'est tous quittés. Parce que sans vous tous, j'aurais jamais eu l'occasion d'écrire ce texte.

vendredi 23 avril 2010

Encore une chose pas très nette

That's why I said "Hey man, nice shot"




oui le scanner de mes parents est tout pourrit, et jvous merde. à part ça, cette image a été faite à partir d'un dessin trouvé au hasard, mais il ressemble vachement à Brody Dalle alors c'est so sex.

et comme t'as été sage, tu as aussi le droit de savoir d'où ça vient ces bêtises: Filter, Nice Shot
Maintenant va laver tes dents et ranger ta chambre.

Goodbye blue sky..



et si on s'évadait?

[chui sûre qu'un jour où l'autre vous avez essayé de voir des images dans les nuages. Moi j'y vois un dragon, là; et toi, tu vois le ciel de quelle couleur?]


pix: un hiver sur la côte landaise, décembre 2007

l'Invitation au Voyage v2.0


Départ. Le train s'ébranle, l'avion quitte la piste.
Le voyage devient une fuite frénétique vers nulle part, mais le plus loin possible, loin, loin toujours plus loin, ce seul mot devient un but, et je coure, je coure sans fin pour attraper l'horizon.
Parfois un peu de repos, un peu de répit; sur un quai, au bord d'un canal, dans les nuages ou dans un jardin sous les arbres.
Mais pourquoi vouloir fuir ? Pourquoi, à chaque fois, cette force qui m'oblige à partir ?

Des ailes me poussent. Je veux m'envoler. Je se sens si légère... Rien ne me retient, alors je m'en vais.
Des ailes... Des ailes ténébreuses qui brassent l'air vicié de ce bas monde.
Des ailes de songes et de murmures qui portent, portent loin et haut.

Parfois la chute est rude, c'est vrai. Les rêves se plaisent en hauteur
et qui ne sait pas tenir en l'air ne peut les atteindre, ne peut que les regarder filer.
Il faut de l'expérience, pour s'envoler ainsi, les atteindre, jouer de leurs tissages obscurs,
les toucher, les goûter, effilocher leur substance entre ses doigts,
les vivre un temps et se laisser retomber comme une feuille morte portée par une brise d'automne.
Il faut l'avoir mille fois vécue, cette ivresse des hauteurs et des songes qui n'a pas d'équivalent.
Rien ne peut égaler en douceur et en beauté cette overdose délicieuse qui emporte loin de la grisaille tentaculaire de la réalité.
Il faut savoir les chemins invisibles des cieux pour s'envoler seul, porté par des ailes de papier et d'encre distillée, pour quitter la Terre et s'incruster dans le velours des cieux pour partager le séjour des songes et des étoiles.
Il faut savoir retomber, se laisser aller, revenir tout doucement à cet état de veille douloureuse que d'aucuns nomment la vie mais qui ressemble plus à un long cauchemar où l'on ne porte plus ces confortables œillères rose bonbon apposées dés l'enfance.
Il faut savoir accepter de quitter ces hauteurs délicieuses, accepter de troquer l'argent des rêves contre le gris réalité, le rouge passion contre le sépia terni du quotidien.
Il faut savoir replier ses ailes, un temps, pour mieux s'envoler à nouveau,
de plus en plus haut, de plus en plus loin, jusqu'à frôler le point de non-retour...
Et ne jamais, jamais retomber.
Alors on peut enfin Vivre, sans monotonie, sans barrières, sans limites, dans l'absolu, l'éternité, dans ces mots dont on ne peut qu'à peine appréhender le sens. On s'envole. Loin, loin de vous, loin de cette putain de réalité qui nous déchire, nous broie et fait de nous des zombis dans les métros; loin de ce monde qui détruit les rêves et envoie les fées à la poubelle, qui éteint les yeux des enfants et nous fait tous devenir, à plus ou moins grand échelle, des putains d'adultes.


et si t'es sage, écoute donc ça


[pix: le ciel, chez moi, et la main de mon frère; été 2006]

mercredi 21 avril 2010

Hallali sur la Réalité


"Tue! Tue!"
Le cri résonne, la chasse prend fin.
La voici enfin, cette maudite Réalité qui nous lacère, nous détruit et nous ronge, brisant les rêves, les espoirs et l'imaginaire! Voyez-la! Faite de béton et d'acier, robe d'épine couleur rationalité, chevelure barbelée pleine du sang des songes avortés.
Voyez-la! Elle nous hait, nous méprise, des siècles durant les nôtres l'ont fuie, détestée, redoutée. Enfermés derrière nos espérances fragiles, nous avons tenté de résister.
Nous l'avons chassée de nos contes, de nos paroles. La Réalité n'avait pas droit de cité en nos domaines, nous étions rois de quelques arpents d'esprit, de quelques acres de terre irréelle.
Mais voilà qu'elle rampe, acculée, précipitée du haut de son piédestal, implorant notre pitié.
Nous sommes rêveurs, poètes, songeurs, sages et fous, tous seigneurs en nos mondes tissés de murmures et d'obscures clartés. Nous sommes, et serons pour l'éternité.
Notre règne est venu, portez le deuil de cette maudite Réalité qui se meurt à nos pieds.
Elle s'est bien jouée de nous, arrogante impératrice qui régnait sur vos cœurs et vos esprits, nous reléguant à l'arrière-ban de vos âmes! Elle gouvernait vos jours, elle envahissait chaque parcelle de vos pensées, mais maintenant voici notre vengeance. Le glaive de la vérité à jamais planté en terre, Réalité transpercée des milles éclats des rêves qu'elle a depuis toujours foulé aux pieds. Fragiles lames lunaires, les voici devenant les millions de dards qui lacèrent sa chair faite de poisons et de haine.

Voyez! la chasse finie, voici la mise à mort; les rêveurs inoffensifs se sont faits matadors, et pour un jour au moins, plus de réel, que l'imaginaire, et les enfants de tous âges pourront tous respirer un peu...
C'est à la nuit tombante qu'elle est venue; une femme, toute de bleu sombre vêtue, courbée sous le poids de son fardeau. Une harpe. Sur son bois sombre couraient de longs reflets blancs, comme l'éclat de lointaines lueurs prises dans la masse, comme des joyaux anciens dans une châsse d'ébène.
Tout doucement, elle a égrené quelques notes; claires, cristallines, en suspension comme la brume dans l'air du soir. Et puis elle a fait chanter les cordes et le bois, elle y a joint sa voix, douce et fraîche, et la musique s'est envolée vers les étoiles, comme un oiseau.
Courbée sur le cadre de l'instrument, ses yeux étaient clos, et ses doigts longs et agiles étaient comme des papillons, comme un vol d'hirondelles au matin; des doigts usés, des mains de fée. Tortueuses et vieilles comme les racines de chênes, douces comme un pétale froissé; et elle chantait, mémoire, musique, pour rien, pour personne, pour le silence de la nuit. Les bois au loin s'agitaient confusément, souligné d'argent par la lune au levant; il y avait dans l'ombre comme une attente, une oreille à l'affût, une écoute attentive.
Entendez, vous qui passez; écoutez la musicienne chanter pour les pierres et le ciel, pour ceux qui veillent dans les feuillages et ceux qui se cachent sous la terre; écoutez, celle qui raconte le passé, et la gloire, et la chute.
En chantant elle s'est lentement balancée, toujours courbée sur le bois murmurant.
Ses mains ont voleté, dansé sur les cordes inertes, puis s'en sont allées, comme chassées par le vent. Elles, qui si souvent ont joué les mille et uns airs des fées ont soudain hésité, et sont restées immobiles.
Les cordes ont frémit, la harpe s'est tue.
Et la voix de la femme lentement s'est élevée vers les nuages qui là-haut ont couvert le ciel.
Le tonnerre a roulé, bien loin dans les collines couronnées de brume; la pluie est tombée, doucement, sur les pierres désséchées.
Elle a chanté de plus belle, dans le noir, dans les ténèbres déchirées par les éclairs blancs; ses mains ont volé à nouveau, résonnant de concert avec la pluie et l'orage. Et le vent, qui soufflait échevelé, a emporté sa chanson, l'a dispersée au loin, sur la mer, la terre et les montagnes. La pluie l'emportait aux tréfonds des pierres, fécondant le sol avec ses rêves et ses passions, et l'orage grondant projetait ses échos sur des lieues à la ronde. Loin, loin de la mer et du ciel, donnant une voix à brise des tertres, au vent des souvenirs qui effeuille les saules des cimetières.
Une dernière fois elle joué de son instrument sur l'herbe tant de fois foulée, une dernière fois elle a chanté pour le ciel, les pierres et la lande; et lorsque le tonnerre a cessé, les cordes n'ont plus résonné, les mains n'ont plus dansé, la voix s'est tue à jamais.
A présent sur la colline, seul le vent vient y murmurer la chanson qu'elle jouait, et le silence sur la lande est retombé.

Du grand n'importe quoi

mardi 20 avril 2010

Une peu de rigolade dans ce monde de brutes

Syriane: Quelle expression WoW décrirait le plus votre vie sexuelle ?
bloargh: Maintenance étendue :p
zEr0w: ami retiré de la liste parce que le joueur nexiste pas >< SAC_AROZ: "Vous ne faites pas face à la bonne direction !"
mutalission: plus de mana
booldog: votre familier est mort
tumevoiplu: "le niveau de la cible est trop bas"
Auquer: jvais farm cette instance jusqua ce que mon baton tombe
pauline75: Temps de recharge : 5 minutes
SAC_AROZ: pauline75: t'habites ou ??

Merci DTC pour nous occuper pendant les amphis de moderne.

Mille et une pensées, je n'ai pas reconnu la mienne..



Photomontage qui date un peu... Du lycée, en fait. Avec sa magnifique pelouse, ses bancs crépis de graffitis, et Martin, qui fait l'ermite.

Des bons souvenirs, malgré tout... Parce que de toute façon le passé est toujours plus chouette que le moment présent, rien que parce que c'est plus facile d'en profiter, on peut les ressortir comme des vieilles photos, et les contempler avec plus ou moins de larmes, avant de les ranger, et puis c'est tout.

La petite soeur


Et ben nous y voilà. Encore. Toi et moi, dans le silence; tu me regardes, je sais, mais moi j'ai toujours un peu de mal à te voir, qu'est-ce que tu veux... Je me sens toujours aussi tarte avec mes fleurs, mais c'est maman qui y tient; elle n'a jamais eu la force de venir te voir, je crois. Tu dois en rire, comme toujours, faut dire, c'est tellement crétin! T'étais sa préférée, et paf, elle ose plus t'affronter en face. Ah, les grands, ils ont toujours été un peu spéciaux, hein?
C'était ce que tu me disais souvent, j'm'en souviens. Moi je te disais juste "Attends-moi!" mais je crois que t'avais pas compris ce que je voulais vraiment dire, sauf peut être à la fin. Personne n'a jamais compris.
Enfin... Nous y voilà encore. Ça devient une habitude, mais au moins maintenant tu es toujours un peu près de moi, toujours avec moi, ça me rassure. Un jour, crois-moi, dès qu'on ne me regardera pas, je te rejoindrai. Parce que vois-tu, on me lâche plus d'une semelle, maintenant, pourtant je suis grande, presque autant que toi, mais non, j'ai l'impression d'être en laisse, et d'ailleurs pendant que je te parle y'en a un, tout blanc, qui me zieute sans s'arrêter. Mais il n'entend pas. Heureusement, sinon j'aurais droit au cagibi.
Ils seraient en colère, tous. Et toi aussi, je pense, si tu pouvais me voir, car vois-tu je n'ai pas changé après tout ce temps, je suis toujours une petite fille et j'ai pas le droit de faire ce que je veux. C'est pour mon bien, qu'ils disaient, un peu comme quand ils t'ont emmenée là, dans cet endroit bizarre et tout plein de gens qui criaient à la lune.
Si tu venais encore me voir, je serais encore à la traîne. Comme avant, comme quand tu voulais t'enfuir et que je te suivais encore et encore; tu voulais aller si vite! Tu brûlais les étapes et tu brûlais tes ailes, mais putain, je te comprend, maintenant que moi aussi j'ai envie de voir ce qu'il y a au-dehors. J'ai envie de vivre, moi aussi, mais on me surveille trop pour ça.

Dis-moi.. ça fait combien de temps que t'es là?
Dix, onze ans?
Bon dieu c'que ça passe vite.
Dix ans?
Ouais. C'est bien ça. Dix ans à venir faire la causette à une pierre tombale.
Ca en fait rigoler plus d'un, dans la famille, crois-moi.
Eux aussi n'ont pas changé. Ils ont toujours pas compris.
Nan.
Ce qu'ils sont bêtes, les grands... Ils croient avoir raison, mais s'ils savaient à quel point ils se sont trompés sur toute la ligne! J'en rigole encore.
Mais tu sais, ma sœur, je t'en veux pas, non.
Oh.. Un tout petit peu, peut être. Parce que franchement, t'aurais pu m'attendre, et pas me laisser entre leurs mains, moi qui ne voulais que te suivre et partir avec toi, sans jamais te quitter, ma sœur, ma sœur que j'aime.
Tu savais très bien que sans toi j'ai pas le courage de partir, moi aussi.
Tu t'es vengée hein?
De toutes les fois où j'étais à la traîne?
Enfin bon. T'es partie, j'y peux rien, à part attendre qu'un jour je puisse te rejoindre.
Je me souviens encore de ce jour là. T'étais jolie comme tout, en plus; t'avais mis ta robe préférée, la rouge que Maman t'avais cousue. Et je t'ai vue dans la lumière, et j'ai sourit, parce que tu étais belle comme un ange, et c'est ainsi que je me souviens de toi; ils avaient rien prévu, rien vu, jusqu'à ce que ça soit trop tard. Jusqu'à ce que tu fuies, que tu t'envoles...
Ca a fait comme un grand papillon écarlate. Tout le monde a crié, a pleuré, mais toi et moi on souriait. Tu souriais encore et le rouge de ta robe était comme le sang qui coulait, coulait doux et chaud sur mes mains d'enfant.
Ouais. On souriait, complices comme toujours, et on a bien gardé notre secret, pas vrai? Je sais où tu es allée, et je t'y rejoindrai bientôt, attends-moi cette fois!
Et, ma soeur, ma belle, mon ange, continue à sourire. Ris encore, encore, encore dans ma tête pour me consoler quand ils m'enferment!
Après tout, tu n'as pas trop le choix, un crâne, ça sourit toujours...