lundi 8 février 2010

Divagation


Le silence. Quelques notes, un souffle de vent... Une feuille s'envole, tournoie, s'écrase dans une flaque où elle navigue encore un peu avant de s'échouer.
Je relève les yeux, me redresse un peu, et je regarde. Autour de moi, le vide; tout est désert, ou presque. Si je me retournais, je verrais les voitures, comme des coccinelles pressées, qui se précipitent sur le boulevard, grondent et pétaradent. Mais je le ne fais pas. J'oublie le vacarme qu'elles font. J'entends à peine quelques voix, quelques pas, un peu de vie sous le grand ciel tourmenté; et tout autour de moi respire la solitude, un peu morose, mélancolique à pleurer.
Je respire, lentement, et me laisse bercer par ce que j'entends: le vent qui siffle, la pluie qui tombe, douce et fine, se balançant en rideaux légers qui s'emportent et s'agitent avant de s'apaiser à nouveau.

Et sur les quais, il n'y a plus personne. Le grand ciel gris roule au-dessus de moi des nuées comme des montagnes, soulignées de gris bleuté et de blanc pur, jetant sous leur ventre monstrueux de longs voilages vaporeux qui noient peu à peu les toits de la ville. Je reste sur mon banc à regarder filer les gouttes, à rêvasser alors que tous se renferment à l'abri.

La tête en arrière, je regarde, j'écoute, mes cheveux tombent sous le poids de l'eau qui glisse le long des mèches lourdes. Je me dilue, je m'efface, je ne pense plus à rien d'autre qu'à la brise légère, à la pluie qui claque doucement sur mes joues, aux tourbillons, aux nuées, aux brumes qui se tordent et s'entremêlent au-dessus de moi.

Je n'existe plus.

De loin en loin, la perspective des quais qui s'étale comme un ruban de bitume longeant le lit paresseux du fleuve bruni, les jardins, l'esplanade où, l'été, les gosses viennent s'éclabousser. Tout se noie et sombre dans le gris, comme une aquarelle délavée; tout s'emmêle au point que l'on ne différencie plus les lignes et les teintes, que tout n'est plus qu'un brouillard flou et blanc, et la pluie se fait déluge. L'eau claque, les gouttes comme des pierres tombant à torrents, comme si quelqu'un là-haut avait ouvert les vannes du ciel, bien décidé à inonder une nouvelle fois la fourmilière que nous sommes.
Je ne bouge pas, trempée jusqu'aux os, la tête en arrière, les yeux ouverts sur l'averse qui tombe, s'abat, m'écrase, me brise les os, me brise les chairs.

Je ne bouge plus. A quoi bon?

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